Il y a des jours où l’on se réveille du pied gauche. Et avec un peu de chance, ça passe en fin de journée, et le lendemain, on se remet sur pied, le bon cette fois. Mais il y a des lendemains moins bienheureux, et puis des surlendemains encore moins, au point de se demander ce qu’est parti faire son pied droit. S’il reviendra un jour. Ou s’il s’est installé au Costa Rica avec un autre gentil pied droit, et ont décidé de fonder une petite famille de pieds droits et ouverts un bar de plage. On ne lui en voudra pas. Il y a aussi les lendemains où on n’aura besoin ni de son pied gauche ni de son pied droit, car on ne quittera pas le lit. À quoi bon quand on ne sait pas où aller. On y passera la journée, jusqu’à ce que ça passe. Ça passera, « on se remet de tout, mais jamais à l’endroit » comme dirait Cécile Coulon.

Puis il y a les lendemains ou on se relèvera, mais en mettant un autre pied gauche devant le premier. Et on essaiera d’avancer quand même. Mais notre démarche sera gauche, pénible, et risque de ne pas mener bien loin. Dans tous ces cas, il y a un point en commun, on a du mal à avancer. Se sentir dépassé. Si ça n’avance pas, alors on ne peut aller nulle part. Ça ne va pas. Alors autant le dire, ou du moins essayer. Dans tous les cas, il est question de santé mentale. Et je voulais qu’on en parle ensemble ici.

Quelques précisions…

🚧 Je ne suis pas psychologue et ne fais partie ni de près ni de loin, du corps de la médecine psychiatrique.
🤦‍♀️ Je ne suis même jamais allée consulter moi-même, peut-être que je le devrais; surement même. Je me suis donc tout naturellement posé la question de ma légitimité pour parler du sujet. Et pourtant, j’y tenais. Car bien que n’ayant aucune qualification académique dans ce domaine, je n’y suis certainement pas étrangère.
👩‍⚕️ Je ne vais pas non plus m’évertuer à chercher des chiffres savants pour forcer l’adhésion à mes opinions. Ce n’est pas mon but. Même si les statistiques peuvent être rassurantes, dans le sens où on se sent moins seul quand on sait qu’on fait partie du x% de la population qui présente les mêmes symptômes que soi. Mais je ne propose pas de diagnostic, et je décourage même l’auto-diagnostic (en ligne, coucou Doctissimo). Donc ces chiffres n’ont pas tellement de sens pour moi.
🙏Tout ce que je voudrais transmettre comme message est que, si on sent que ça ne va pas, il n’y a pas besoin de se trouver des excuses, et encore moins de le cacher. C’est normal de ne pas aller bien tout le temps, même si en surface on ne semble pas avoir de raison d’aller mal. Mais le mot clé y est : c’est un jugement de surface et la réalité est souvent plus complexe que ce qu’on peut juger grâce à de simples observations.

Sanaa

Auteure de l'article

Si je veux en parler, c’est que je sais aussi, qu’avant d’accéder au personnel qualifié, on passe d’abord par ce qui est à portée. Chercher l’explication de ce qu’on ressent, l’echo de ses maux, dans son entourage. Et bien que je ne sache pas l’expliquer précisément, (peut-être juste un alignement des planètes), mais il me semble bien que les affects émotionnels se manifestent de plus en plus dans notre monde actuel.

Santé mentale : entre mythes et réalités

Avant de rentrer dans les détails, je pense qu’il serait intéressant de poser le contexte en se référant à la définition des gens du métier.

La santé mentale fait l’objet d’un large éventail d’activités qui relèvent directement ou indirectement du « bien-être », tel qu’il figure dans la définition de la santé établie par l’OMS comme étant « un état de complet bien-être physique, mental et social, et [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». La santé mentale englobe la promotion du bien-être, la prévention des troubles mentaux, le traitement et la réadaptation des personnes atteintes de ces troubles.

Organisation Mondial de la Santé (OMS)

Lien entre santé mentale et santé physiologique

Tu l’auras compris, la santé mentale fait partie intégrante de la santé globale des individus. Elle en conditionne même l’état général, et bien souvent, a un impact sur l’état de santé physique et social également, les trois étant intrinsèquement liés et interdépendants (« esprit sain dans corps sain », et inversement).

Malheureusement, ce lien ne se reflète que très rarement dans notre médecine moderne. Ceci n’est pas un jugement de valeur ou un dénigrement de ce secteur vital, mais un constat qui mérite d’être posé. Il est indéniable que la santé mentale n’est pas prise au sérieux en la comparant à la santé physique. La couverture sociale des séances chez le psychologue, et autres professionnels des soins alternatifs (c’est à dire différents des remèdes médicamenteux), ou plutôt la quasi absence de couverture, témoigne de cette différence de traitement. Cette contradiction, entre admettre l’impact de la santé mentale sur la santé physique, sans mettre les moyens de la traiter correctement, me parait contreproductive, et quelque part incompréhensible. Enfin si, j’en devine la raison…mais bon, passons ! 💰 

Il y a d’ailleurs le documentaire Heal que j’ai trouvé très intéressant à ce sujet sur Netflix, et qui permet de donner une voix à cette partie encore peu explorée des sciences médicales.

Notion de spectre

L’autre point important de cette définition est la reconnaissance d’un spectre d’atteintes sans forcément que ce soit de l’ordre du pathologique. Ce que cela veut dire, c’est qu’il ne suffit pas de ne pas être ostensiblement malade pour être en bonne santé. Décrit comme cela, on aurait tendance à vouloir aller naturellement vers cet état de bien être général. Et je suis même tentée de penser que toute démarche vers cet état me semble complètement naturelle et plutôt saine. Et pourtant la stigmatisation autour des maladies mentales persiste. Beaucoup plus que son homologue du coté de la santé physique (du corps).

La perception sociale majoritaire des maladies mentales est souvent divisée en deux camps : La folie (danger) ou la faiblesse d’esprit. Et comment dire que dans les deux cas l’association à ces groupes n’est jamais la bienvenue. Mais dans quelle mesure cette dichotomie simpliste est-elle vraie ?

Vulnérabilités, fragilités, imperfections

Je ne pense pas avoir besoin de grands théorèmes des sciences humaines pour appuyer l’idée selon laquelle l’être humain est une créature somme toutes bien fragile, à plus d’un égard. Nous avons tous des cordes sensibles. Pas les mêmes. Mais nous avons tous des sensibilités. Et notre esprit, comme notre corps, a ses limites. Alors quand on appuie la ou ça fait mal, ou qu’on appuie trop fort, il ne faut pas s’étonner de la nature grinçante de la réaction. Dans la série des évidences sociales, je ne pense pas non plus vous apprendre que « personne n’est parfait ». Alors qui peut demander la perfection en retour ? C’est même pour cela que beaucoup de gens trouvent du charme aux imperfections. C’est le charme de la condition humaine. J’irais même jusqu’à dire que c’est la source d’inspiration de l’art.

Pour ma part, je sais que les liens les plus forts que j’ai tissé autour de moi se sont créés dans des moments ou j’ai baissé mes gardes, ou j’ai osé me montrer comme j’étais sincèrement, avec mes doutes et mes angoisses. En dévoilant mes vulnérabilités, j’ai créé autour de moi une sorte de zone de confiance et d’émancipation. Et surtout une chance de dépasser ces états de mal-êtres qui les menacent. Spoiler alert : Je n’ai pas non plus un ratio de réussite de 100%. Il m’est déjà arrivé d’en perdre quelques-uns sur ce chemin rocailleux… Mais j’avoue que je considère ça comme un événement positif, car je n’ai clairement pas pour vocation d’entretenir ce qui ne me nourrit pas, voir pourrait me nuire. Alors réussite quand même 😉

Qu’en est-il de l’association avec les maladies mentales plus complexes (pathologiques) ? Au risque d’être réductrice, il me semble que ce rejet est dû à une peur de la violence qui est souvent associée aux états de démences.

Pour moi, LE film de 2019, Joker de Todd Philips, avec Joacquin Phoenix dans le rôle principal, a su brillamment décomposer cette ambiguïté en représentant le parcours de cet homme normal, presque banal, triste mais banal dans l’attention que lui accorde le monde, Arthur, dans sa lutte contre la violence qu’il va finir par incarner puis amplifier. Le génie de Todd et Joachin (je les appelle par leurs prénoms parce qu’on est proches – dans ma tête) réside dans l’authenticité de leur description de la violence du monde dans sa globalité, en retraçant le processus de la création du monstre, à l’origine humaine.

En effet, dans le cadre de la santé mentale, nous sommes nos pathogènes et nos remèdes mutuels principaux. Cette vision peut-être perçue comme simpliste à l’échelle individuelle, mais elle prend son sens quand elle est abordée du point de vue collectif, c’est à dire la somme des interactions individuelles. La communauté joue un rôle essentiel dans la construction de l’équilibre mental. Et dans son effondrement également. Et on ne peut que constater que nous vivons dans une époque qui bien qu’elle semblerait fournir les moyens du bien-être, écrase une grande majorité sous le poids des injustices et autres dysfonctionnements du système moral général.

On vit aussi un problème d’échelle, où tout aspect de la vie quotidienne est perçu dans sa dimension globale, dans le sens ou tout à un impact « planétaire » qui nous plonge constamment dans des considérations qui nous dépassent bien trop souvent, et de loin. Cette hyper sollicitation est à l’origine de la fameuse dissonance cognitive, qui a son tour peut se manifester sous la forme d’angoisses, dépressions, troubles du comportements…

Santé mentale : comment en prendre soin ?

Pas de fatalisme par ici; mais néanmoins une bonne dose de réalisme. Il y a des étapes clés qu’il faudra identifier, et qui je pense sont applicables à une grande majorité des affects dont on parle. La première est d’admettre qu’il y a un problème. Sortir du déni et regarder la vérité en face. Il y a un élément ou événement qui rend la vie plus compliquée.

La deuxième étape est d’en parler autour de soi, et ce pour deux raisons. La première est une confirmation, à soi d’abord, le fait qu’il y a un problème et que le besoin de s’en sortir, et de le résoudre vient au dessus de toute autre considération. Tout devient secondaire face à la nécessité de dépasser cette situation. Et c’est la bonne voie à entreprendre. L’autre raison étant que le fait d’en parler est aussi une forme d’appel à l’aide. Et devine quoi, on a tous besoin d’aide de temps en temps. Quand on a du mal à s’en sortir seul, il est toujours bon de se rappeler et de sentir qu’on n’est pas seul justement.

🗣 Thérapie

Si je devais être complètement sincère, ça devrait être la seule réponse, ou tout du moins la principale, et tout ce qui vient après serait identifié au cours de la session de thérapie en complément. Mais la thérapie devrait constituer le cadre principal, et à mon avis, tout le monde gagnerait (devrait ?) à suivre une thérapie. Avec un peu de recul, je mettrais de la nuance à mon propos en précisant que j’ai écrit cela à une période ou j’en avais personnellement besoin, et il n’est pas impossible que j’ai eu besoin de ne pas me sentir seule dans cette démarche. De me rassurer que j’étais comme tout le monde, ou que tout le monde était un peu comme moi, avait besoin d’aide. J’en avais également discuté lors d’une soirée avec deux professionnels de la médecine psychiatrique qui m’ont bien mise en garde contre cette idée. La thérapie n’est pas automatique, et encore moins une activité de loisir ou un passe-temps. Dans le sens où si une personne sent qu’elle va bien, elle n’a pas à aller réveiller des démons qu’elle aurait par ailleurs réussi à dompter. Il ne s’agit pas ici de créer un effet de mode, ou de contagion, si on n’est pas vraiment dans le besoin; mais uniquement de déstigmatiser le vrai besoin.

 

🏡 Zone de refuge

Se construire une zone de refuge, où on peut battre en retraite le temps de faire le tri dans ses pensées et ses émotions. De se reconstruire. Mais gare à ne pas trop s’y attarder, surtout si on n’a pas pensé à prendre quelques compagnons de route pour cette petite traversée.

Cela peut prendre différentes formes, selon la personne. Allant de l’enracinement dans son cocon, au voyage, plus ou moins long, afin s’extraire à un quotidien douloureux pour se réinventer une vie, ne serait-ce que temporairement le temps de panser ses plaies, et mettre de la distance entre soi et ce qui nous cause de la peine. Profiter de cette escapade pour défaire ses valises émotionnelles, celles qui commencent à peser trop lourd et qui deviennent gênantes et encombrantes.

Ma recette miracle : m’entourer de ma famille et mes amis proches, car le refuge n’est pas forcément un lieu, mais peut très bien être incarné par des personnes, ou autres représentations de sécurité et de confort psychique et émotionnel.

💝 Baume au cœur

Cette partie implique une réflexion très personnelle afin de trouver les activités qui aident à se sentir mieux, petit à petit, afin de reprendre doucement des forces. Il s’agit de trouver ce qui apporte du réconfort personnel, et il n’y a pas d’aspect négligeable ici : prendre un bain, faire un (auto)massage, se mettre de la crème, faire une manucure, une thérapie du coiffeur, mettre de la musique, aller au cinéma, faire du sport, etc.

Personnellement, j’aime bien entendre des gens raconter et analyser leurs histoires, ça me permet d’avoir de nouvelles perspectives sur les évenements. En contenu ludique, et accessible en streaming, j’avoue n’avoir que des références anglophones, comme Oprah Winfrey, Brenee Brown, Esther Perel… Il y a également l’émission de Jada Pinkett Smitt, Red Table Talk, qui m’a accompagné pendant des moments difficiles.

Je consomme également beaucoup d’humour, mais ça c’est tellement essentiel pour moi que je me dois de lui consacrer un article à part entière 😉

En lecture, ça peut aller de l’article ou le livre du développement personnel, aux essais sur la philosophie du bonheur. En passant par la poésie, ou je m’arrête assez souvent pour me plonger dans la justesse des vers qui permette de représenter les flots d’émotions les plus troubles et confus en une poignée de mots; Je l’ai cité en début d’article, je le refais ici, le recueil de Cecile Coulon, Les ronces – qui ne me quitte plus – en plus des poèmes illustrés de Rupi Kaur d’une simplicité percutante.

L’entourage d’une personne qui souffre

Sans qu’on soit soi-même touché par des troubles de la santé mentale, on peut avoir dans son entourage proche des personnes qui souffrent. Et être dans la détresse de vouloir leur venir en aide sans en avoir les moyens. Là encore, il ne faut pas oublier que ce n’est pas inenvisageable de ne pas pouvoir aider une personne à main levée. C’est un métier à part entière pour lequel des personnes sont longuement formées. Alors il faut savoir ce qu’on peut faire, de ce qu’on ne peut, voir doit pas faire dans ces cas-là.

Pour aider une personne à se relever, il faut soi-même être déjà debout. Un naufragé ne peut pas en sauver un autre. C’est d’abord pour ça qu’il faut éviter par tous les moyens de sombrer avec une personne qui souffre. Ça commence par établir des frontières saines entre les vécus des deux personnes. Aussi proches que peuvent sembler des lignes de vie, elles ne seront jamais fusionnelles. Alors ne forçons pas la fusion. Garder cette distance émotionnelle clinique est salvateur pour toutes les parties. Ce n’est pas un manque d’empathie, on peut parfaitement comprendre une histoire sans en ressentir tous les détails émotionnels. Car l’empathie n’est pas une dissolution de soi dans l’autre. La première est ce qui crée le lien entre les membres de nôtre espèce, tandis que la deuxième transforme ce lien en chaînes, souvent très lourdes, voir impossibles à porter.

Ce qu’on peut faire, c’est être présent pour la personne, et la laisser gérer sa situation comme elle peut. Etre présent, mais pas oppressant. Je dirais même discret. Être à l’écoute et porter de l’attention, sans jamais juger, juste essayer de comprendre. Comme le disait Spinoza « Ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas maudire, mais comprendre. » Et si la situation ne s’améliore pas, ou semble durer, l’encourager vivement à aller consulter un professionnel.

💭 En somme, si tu lis ça, que tu te sens concerné.e, sache qu’on te voit et qu’on te comprend. Qu’on est aussi passé par là, certains s’y sont même temporairement arrêtés parfois. Ça nous arrive même d’y repasser de temps en temps. Qu’il n’y a pas plus de mal à se faire aider en santé mentale qu’en santé physique. Enfin le mal est déjà présent, tu me diras, et ce qui compte avant tout est de l’éradiquer, ou tout du moins, le dépasser. Rien ne devrait passer avant la santé, absolument rien. Encore moins un tas d’idées reçues bâties sur une valorisation de l’humain jaugée par sa contribution économique.

Tu n’es pas faible, tu es juste fatigué.e, las.se. Ça arrive, a tout le monde. Nous sommes aussi désolés d’avoir contribué à créer un monde qui t’es hostile et de continuer à l’entretenir… Nous sommes tous pareils, nous essayons de nous en sortir. Parfois en se marchant dessus, les uns sur les autres… Alors essaie de te relever, si tu le peux. Et fais-toi aider, quand tu le pourras. C’est une mauvaise passe, tiens bon, ne désespère pas. L’hiver s’en ira, le printemps reviendra et l’herbe verte repoussera.

Rassemble ton énergie, fais une sieste, ou deux, une grasse mat, ou sept, mais dépasse-toi, quand tu te sentiras prêt.e, et essaie de retrouver ton équilibre. Nous t’attendons de l’autre côté de la rive, ne traine pas trop.

Bisous 💋