🥴 « T’es chiante, t’as tes règles ? »

Ou la phrase typique qu’on a quasiment toutes et tous du entendre au moins une fois dans sa vie, directement ou indirectement. Et qui soit dit en passant, n’arrange généralement en rien l’état d’irritation de la personne à qui elle est adressée…Il faudrait peut-être revoir ses techniques de gestion de crise par le biais de la communication non violente, mais ce sera l’objet d’une autre discussion! Car ici, tu l’auras compris, on va parler des règles, ou plus exactement, du cycle menstruel.
Quitte à être traitée de chiante, autant tenter de comprendre ce qui est reproché exactement par cette remarque si habituelle qu’elle en deviendrait presque anecdotique ? Quelle est la part de véracité de ce rapport de cause à effet? Mais surtout, est-ce qu’être chiante doit être considéré comme cher payé comparé au service rendu par la mécanique diabolique qui se cache derrière ces fameuses règles?

 On va essayer d’aborder les points clés qui, quelque part, s’imposent comme étant les enjeux primordiaux qui rythment le quotidien, et parfois même le conditionnent un peu malgré nous. Ceci afin de gagner en perspective pour adoucir, voir même améliorer une situation qui continue de peser d’une manière incongrue sur les femmes.

💡 Avant toute chose, commençons par définir les notions fondamentales dont on va parler, pour poser les bases de notre terrain de réflexion. Alors tout d’abord, les règles, le cycle menstruel, quésaco ? Une petite recherche en ligne t’amènera un grand nombre d’articles, cours de biologie, sur le sujet afin d’éclairer ta lanterne des lumières de la science. Je te propose celui-là, par exemple, et te fais pleinement confiance pour t’instruire en autonomie à ce stade de l’analyse 😉

Cycle menstruel : inspiration insoupçonnée du mythe de Sisyphe ?

Pour ma part, je vois mon cycle menstruel un peu comme une sorte de mythe de Sisyphe revisité :

Le corps de la femme va travailler pendant 14 jours en moyenne,  à la mise à disposition d’un ovule, avec tout le processus biologique hormonal nécessaire. Mais cet ovule ne sera fécondable que pendant 24h, l’arnaque quoi! Si cet ovule n’est pas fécondé, alors il dégénère (c’est le vrai terme scientifique, hein) et le corps s’en débarrasse tel le rocher de Sisyphe qui dégringole en bas de la montagne pour reprendre la tache à zéro. Et c’est cette dégringolade qui cause le plus de heurts.

On rencontrera alors ce qu’on appelle le syndrome prémenstruel, SPM, qui s’impose de plus en plus comme étant une réalité scientifique et non un délire d’hystérique. Ou peut-être juste que j’atteins cet âge où plaire n’est plus forcément une priorité et où on ose se dire les choses, d’abord à soi-même puis autour de soi, comme on fait un peu par ici.

Pour résumer, les SPM sont la principale raison pour laquelle on a du te dire, ou tu as toi-même dit à une femme qui t’a semblé particulièrement irritable : « T’es chiante, t’as tes règles ? » 🥴 Donc non, cette femme n’avait probablement pas encore ses règles, mais il y a de plus fortes chances à ce qu’elle soit en SPM à ce moment là.

Dans la boite surprise des SPM, on trouvera notamment :

😱 Le petit bouton d’acné annonciateur du début de la fin du cycle et qui t’accompagnera tout au long de cette période charnière de ton tourment mythique. Souviens-toi que Sisyphe lui n’avait pas de compagnon dans son épreuve et que les dieux ont été plus cléments avec toi (parce que bon, tu n’as rien demandé toi au fond…). Adopte ton bouton, personnellement je lui ai donné un prénom : Habib! Fais en ton ami, ou tout du moins un fidèle compagnon de route ; mais ne t’attache pas trop, car Habib n’est que de passage et il te faudra lui dire au revoir assez tôt, ce qui n’est pas plus mal tu me diras…

😵 Le pack crampes, jambes lourdes et migraines, avec des intensités variables et des variations imprédictibles. Avec un peu de chance, l’option estomac en vrac se glissera également dans le lot avec tout ce qui va bien en nausées, diarrhées et vomissements.

🎁 Mais ce n’est pas tout ! On va passer maintenant à l’unboxing des symptômes émotionnels du SPM, car n’oublie pas, cher·e ami·e, que l’humeur est principalement controlée par nos hormones. Et donc qui dit fluctuations hormonales, dis sauts d’humeur ! Cela peut aller du manque de patience causant une forte irritabilité et intolérance à toute situation contrariante. En passant par l’effet  « à fleur de peau », ou quand on se met à déverser des flots de larmes pour des situations qui pourraient paraitre anodines, voir ridicules, en temps normal. Jusqu’à des plongeons foudroyants dans des états de dépression. Cela peut arriver soudainement, sans aucune cause « raisonnable ». Un chagrin profond qui nous prend de court, comme une sorte de déboussolement interne, perdre les repères qui guidaient habituellement tout sentiment d’espoir et pensées positives. Autant de réactions et de comportements  qui pourraient paraitre disproportionnés aux yeux des non-initiés à cet art complexe qu’est le SPM.

Aperçu des témoignages – poilants et poignants – qu’on peut retrouver sur le super compte Instagram @SPMtamere

Et ce n’est que lorsque le rocher finit sa joyeuse dégringolade, le rocher ici, tu l’auras compris, est une allégorie habile de ton état physique et mental, et somme toutes de ce petit ovule shakespearien non fécondé qui semble concentrer une grande partie des ressources du corps et qui tient absolument à faire une sortie dramatique fracassante avant la tombée du rideau, telle une vraie drama queen.  Et donc je disais, ce n’est qu’après toute cette mise en scène rocambolesque que le flux sanguin est libéré pour soulager le corps et l’esprit de ces tensions menstruelles. Tout cela bien sur si tu n’es pas sujette à des crampes de règles, une endométriose ou autre cas clinique pouvant conduire à un prolongement de sentence. Je dis bien cas clinique, car il n’est pas normal de souffrir pendant ses règles en 2019.

💡Si tu n’as jamais vu ou vécu ce genre d’événement, cela ne veut pas dire qu’ils n’existent pas ou que c’est rare. Pas du tout, c’est ce qu’il y a de plus commun dans la vie. Tu n’as peut-être juste pas, autour de toi,  suffisamment de femmes qui osent en parler franchement et librement. Ou tu n’y as juste pas fait attention. Dans les deux cas, c’est bien dommage, mais sache qu’il n’est jamais trop tard pour changer cette situation en développant ta propre culture menstruelle. Si tu le souhaites, bien entendu.

Règles et femmes dans l’espace public

Outre les disparités biologiques qui font que des femmes ont des cycles plus « doux », ou plutôt moins violent que d’autres,  on pourrait également parler des inégalités socio-économiques liées à l’accès aux protections hygiéniques subies par les femmes dans le monde, la précarité menstruelle.

Cette expression s’impose de plus en plus sur la scène médiatique et politique pour décrire la difficulté de se procurer des protections hygiéniques à cause de la pauvreté. On pourrait aborder le sujet de cette perspective caractéristique de la philanthropie occidentale. Peut-être même qu’on le devrait. Se choquer ou s’attendrir devant le combat des femmes issues de sociétés et milieux défavorisés pour regagner leur dignité, voir leur humanité, une fois qu’elles commencent à présenter les premiers signes de puberté, par le prisme des protections hygiéniques. D’ailleurs si cette vision t’intéresse, tu trouveras un bon documentaire sur Netflix sur le sujet intitulé « Period, end of the sentence ».

Mais on tentera ici une approche différente de la même problématique. Une approche qui ne s’évertue pas à trouver des manières de se rassurer en se rappelant qu’il y a toujours pire situation que la sienne. Une approche qui ne se contente pas du seuil de considération rudimentaire du dépassement des stigmatisations barbares et archaïques pour conclure qu’il n’y a pas de discriminations contre la femme, sur le sujet des règles, dans nos sociétés modernes.

Tout simplement parce que ce ne serait pas complètement vrai. Certes, on a fait beaucoup de progrès, mais on est loin, très loin, d’avoir atteint le bout du tunnel. Pour s’en rendre compte, il suffit de comparer la centralité du sujet des menstruations dans la vie d’une femme, et sa représentation en société.

Car les règles ne sont ni plus ni moins qu’un des indicateurs majeurs du degré d’acceptation sociale de la femme dans l’espace public. De la femme en tant qu’identité à part entière, qui s’écarte du modèle humain par défaut : L’homme ; Et qui, de par cette dissociation, exigerait une attention et un traitement particulier.

L’acceptation des règles comme une normalité est la première étape de l’intégration de la culture menstruelle dans les mœurs sociales. C’est également une condition sine qua none à l’acceptation de la femme en tant qu’être humain pouvant occuper tous les espaces, publics, privés et intimes, pleinement et inconditionnellement. Ce n’est que plus flagrant lorsqu’on traite le sujet du point de vue des inégalités économiques, ou de manière plus simpliste, des inégalités d’accès aux protections sanitaires. Quand ces jeunes femmes se retrouvent contraintes de quitter l’école, les sanctuaires ou les lieux de prière dès lors qu’elles commencent à avoir leurs règles, sous prétexte qu’elles sont souillées ou sales, ce ne sont pas les règles qui ne sont plus les bienvenues, ce sont elles, en tant que femmes, qui voient leur existence sociale bridée. Et cette fausse excuse n’a pour autre mission que de couronner les torts d’insulte.

Car, ⚠️Spoiler Alert : une femme ne peut pas se dissocier de ses règles ⚠️

Elle ne peut pas décider un beau matin qu’elle ne s’encombrera pas de cette tare sociale et n’importunera pas la société de cette gêne. Elle ne peut pas laisser ses règles à la maison avant de sortir vaquer à ses occupations de membre actif et productif de la société. Quand on refuse l’accès à la femme pendant ses règles, c’est une discrimination pure et simple contre la femme et son cycle menstruel n’est qu’un prétexte utilisé comme argument biologique d’une science forcée et inconsistante.

Mais la société a des manières plus insidieuses d’exhausser ses desseins. Car une interdiction claire et formelle a au moins la décence de l’honnêteté, et le courage d’assumer un affrontement direct. Que se passe-t-il, intérieurement, quand on ne rencontre pas d’interdit ostensible, mais plutôt une sorte de haute recommandation de cacher tout attrait à ce sujet là publiquement ? Lorsqu’on se retrouve à s’interdire à soi-même une présence entière et indivisible dans le monde auquel on appartient ?

✊🏼Lorsqu’un espace public n’est pas aménagé pour tenir compte du cycle menstruel d’une femme, il n’est pas accueillant pour les femmes. Un espace non accueillant est un espace contraignant, pouvant même aller jusqu’à être hostile. Et aujourd’hui ce qu’on peut considérer comme un environnement accueillant pour les femmes, du point de vue menstruel, c’est à minima un environnement dans lequel une femme ne se fera pas surprendre par ses règles. Elle doit donc pouvoir avoir des protections à disposition de manière accessible et abordable, pour répondre à ce besoin en toute sérénité, quand elle en a besoin, où elle en a besoin : les toilettes de certains endroits publiques, les entreprises et lieux de travail à fortiori, mais également des distributeurs en libre service dans la rue en cas de surprise nocturne par exemple, à l’instar des distributeurs de préservatifs qu’on n’a pas trop de mal à repérer en cas d’urgence…

Il est aisé de remarquer que la prise en charge de la société de ce sujet est encore basique, quand elle n’est pas tabou ou élitiste. Et cette situation n’est pas normale, justifiable ou tolérable, surtout en considérant la contribution sociale de ce cycle menstruel.  

Par quelle fourberie en sommes-nous arrivé.e.s à ce stade d’effacement et d’auto-négation ordinaire ?

Cet article pose plus de questions qu’il ne pourra adresser en une seule traite.  Mais ne pas tenir compte de l’ensemble des enjeux du cycle menstruel nous condamne à répéter les erreurs de gestion hâtive et désintéressée dont a été victime ce sujet, et avec lui le quotidien des femmes qui en subissent les conséquences. Et si on veut un jour proposer des réponses pertinentes, il faudra commencer par asseoir sa base de connaissances.

📝 C’est ainsi que ce qui devait être un seul article sur les règles s’est transformé en une mini-série visant à construire ensemble ce qu’on appellera désormais notre « culture menstruelle« , nécessaire à la réappropriation des femmes de leur place en société.

🗣 On vous racontera ainsi quelques histoires qui nous ont rappelé à notre nature biologique, puis nous essaierons ensemble de trouver cette recette miracle pour vivre au mieux et de manière consciente notre cycle menstruel.

À très vite,

Fesses et bisous 💋

Sanaa